Transmetropolitan laisse rarement le lecteur indifférent. Soit vous adorez, soit vous détestez. Et dans les deux cas, Spider Jerusalem vous le rendra bien. Publié entre 1997 et 2002, ce personnage de SF est du genre « droit dans ta face », ce qui est une déformation professionnelle puisqu’il est journaliste. Evidemment pas votre journaliste traditionnel, ses méthodes atypiques, cruelles et bien souvent dégueulasses font de lui cette rock star adulée du public et craint du politique. Ses billets sont plus souvent des tribunes à l’éloge de son humeur. Religion, pouvoir, société, sexe, drogue… Rien n’est laissé de coté. Pas votre BD classique. Pas votre SuperSlip classique (il n’en met probablement pas)… A prendre avec une grande dose de maturité. A sa façon, Spider Jerusalem va vous obliger à choisir un camp. Mais il n’y aura pas de prisonnier. Issu de mon Top 10 des BD, voici Transmetropolitan en 10 planches.
« I still remember that essay you wrote when the Beast got elected. I do NOT want to see the word « fuck » typed eight thousand times again. »
Royce , Transmetropolitan.
10. Warren Ellis.

Il me faudra écrire un billet dédié à ce scénariste BD des plus prolifiques de notre période. Des BD d’anthologie, des scénarios , des comics, des livres… Et pour créer un scénario comme Transmetropolitan, il faut être sacrément barré. Ellis obtient finalement une plateforme pour mettre notre société devant un miroir. Cette société qui consomme les médias comme de l’huile de palme. Une projection dans un futur (sans date) permet à Ellis de grossir les traits et d’appuyer là où ça fait mal. Il donne à son personnage principale carte blanche et ne se permet aucun filtre.
Beaucoup vont voir Ellis comme un prophète : Transmetropolitan va anticiper tellement de scénarios contemporains (campagnes présidentielles américaines, le culte de la personnalité, le trans humanisme, et j’en passe). Warren Ellis a des avis sur tout. Transmetropolitan lui a permis d’obtenir une plateforme, un véhicule ; et il le conduit comme si il l’avait volé ! Je ne vais pas aborder les Planetary, les Desolation Jones, les The Authority, Nextwave, Black Summer, Red… Je vous en reparlerai plus tard.
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Un de mes préférés : Trilogie Black Summer – No hero – Supergod
9. Darick Robertson.

Darick Robertson a eu le choix entre l’opportunité de dessiner Spiderman tous les mois ou travailler sur un projet avec un obscur auteur anglais nommé Warren Ellis. Et pour notre grand plaisir, il a choisi le coté obscur. Une véritable collaboration (ou co-création) permit à Robertson d’influencer le scénario jusqu’à avoir un pass pour la création de personnages (le chat ou la femme de Spider par exemple).
Je pense que le plaisir de lire une bd illustrée par Robertson se trouve dans les détails. Lire une affiche sur un mur d’une scène secondaire ou l’intitulé d’un T-shirt sur un passant dans une foule. Tout est plaisir et tout est fait avec intention. Immédiatement, on sent que Robertson est à l’aise dans un environnement urbain, futuristique où il va pleinement exploiter son dessin et sa créativité. Mélez ça à Warren Ellis et vous venez d’obtenir de la dynamite. Evidemment Robertson ira s’épanouir vers d’autres BD tout aussi connues comme The Boys ou Happy. Mais le mélange de sa capacité à créer des silhouettes avec la folie de Warren Ellis donne à cette oeuvre un flux ininterrompu de surprise et d’horreur maquillé derrière le personnage de Spider. Et n’oublions pas les couleurs de Ramos !
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Le plus connu : The Boys
8. Journalisme Gonzo : Hunter S. Thompson.

Le personnage principal de Transmetropolitan, Spider Jerusalem, s’inspire très largement d’un célèbre journaliste Gonzo et contributeur du magazine Rolling Stones : Mr Hunter S. Thompson. Connu en France dans le film Las Vegas Parano, Thompson était une réelle et originale icône. Pour ceux qui ne connaissent pas, le journalisme Gonzo est une forme de journalisme à la première personne. Le reporter fait donc parti de l’histoire qu’il raconte. A la lecture de Transmetropolitan, on peut immédiatement se rendre compte que Spider est Thompson, journaliste de l’extrême imprégné de drogue et d’alcool, vivant de sexe, de flingues et de violence . Même l’image des assistantes « cochonnes » sont aussi un rappel de la vie de Thompson (l’une d’elle devint sa femme). Je vous laisse deviner de qui d’entre eux deux vient cette citation :
« Journalism is just a gun. It’s only got one bullet in it, but if you aim it right, that’s all you need. Aim it right, and you can blow a kneecap off the world »
Laissez moi un commentaire avec votre réponse 😉
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Le fameux Las Vegas Parano
7. Transmetropolitan et la politique.

Les comics ont toujours parlé de politique. Cependant ce n’est pas le média où on s’attend à trouver des opinions. Dans les années 80s et 90s, 2000 AD et Juge Dredd ont donné tribune à Thatcher, et Watchmen a laissé à Alan Moore le droit de créer le superhéros au service de l’anti-capitalisme. Avec Ellis, la politique s’inscrit dans la Ville qui est presque un personnage en elle même. La population est en hyper-stimulation, engagée dans un million de directions proposant des doctrines opposées.
Cette stimulation encourage les extremes, qu’ils soient politiques, religieux ou tout simplement de nature idéaliste. La modération n’a donc plus sa place dans le paysage politique. Il n’y a plus de terrain commun entre les oppositions, ce qui donne un monde dénudé de sens et d’intérêt, sans règle ni limite. Il n’y a plus de nom de parti politique. Vous êtes avec ou contre le pouvoir en place, soulignant ainsi l’absence d’idéalisme que le gouvernement représente. Tout ce qui compte, c’est avoir le pouvoir. Vous rencontrerez donc des Gary Callahan, la Bête, Bob Heller, des hommes corrompus ou facilement manipulables que vous pourrez, à guise, associer à notre scène politique actuelle.
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Transmetropolitan Volume 5
6. Transmetropolitan et les médias.

Je pense que la réussite de Transmetropolitan se situe dans le rapport de cette société aux médias. L’ère des médias appelle certains à devenir des héros de l’information. Dans Transmetropolitan, Ellis fait du journaliste un héros. A une époque où la fabrication de l’information aboutit à des scandales et à la division de la population, Spider Jerusalem devient ce personnage sympatique et potentiellement héroïque. Il est néanmoins assez cynique pour découvrir les stratagèmes et les demi vérités des médias. Son coté maniac et gonzo lui permet de passer entre les gouttes de la désinformation. Les billets qu’il propose visent le Pouvoir et ses soldats, les privilèges et l’extrême dégradation du service de l’état. Evidemment, Ellis organise une trame dans laquelle Spider sauvera le monde (ou le perdra) mais sans super-pouvoir particulier autre que sa capacité à observer le monde et à communiquer sa vision.
« It’s like being a photographer, except we’ve never killed any royalty doing it «
Peut être une petite référence à Diana …
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Transmetropolitan Volume 4
5. Transmetropolitan et la religion.

La ville reflète un labyrinthe d’obscénités que consomme la population. Là encore, la sur-abondance des idéologies tiraille et divise l’existence humaine. Dans cette ville, une nouvelle religion apparait toutes les demi-heures, modifiant ainsi l’indice de perception vers la quête spirituelle des masses. Cela en devient un spectacle, une façon de définir l’individu, une mode, un réseau social (ça ne vous dit rien ?).
Un superbe exemple proposé par Ellis est le mouvement Transient, un groupe d’individus tellement fatigué de l’humanité que ses disciples s’infligent une transformation génétique pour s’apparenter à des extra-terrestres. Ce culte est conduit par un personnage se nommant Fred Christ et souhaite faire secession avec la Ville. Comme on l’a dit plus haut, la moderation n’existe plus dans le futur. La distance entre les groupes, notamment religieux, s’accentue tant l’interaction entre individus ne devient plus qu’une transaction dans cette société d’hyper-consommation. On trouve un autre mouvement, les revivants qui se réveillent après avoir demandé une congélation. Ceux ci ne peuvent se réhabituer au nouveau fonctionnement de la Ville et deviennent des proies faciles pour des religions en perpétuel recrutement.
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Transmetropolitan Volume 3
4. Transmetropolitan et la consommation.

Imaginez un peu le marketing du futur. Les entreprises militent pour légaliser le i-pollen, un nuage de nano machines qui transmet instantanément la publicité aux âmes qui le respire. Bien sûr, il y a des effets secondaires comme par exemple la démence. Mais, quand statistiquement, vous êtes plus heureux avec ces nano machines que sans… Alors quelques effets secondaires…
Dans la ville de Jérusalem, et dans ce futur sans date, les publicités sont presque uniquement orientées autour de la satisfaction individuelle. L’exemple récurrent est celui des Sex Puppets, une horrible caricature d’une émission de télévision pour enfants qui leur apprend les joies des rapports sexuels en groupe.
Regardez les détails lors de cases plantant le décor, Robertson s’éclate dans les détails. Les slogans, les petites scènes, les visages, les tatouages, tout vous rappelle combien nous ne sommes pas si loin de cette matière qu’exploite Ellis.
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Transmetropolitan Volume 2
3. L’intelligence Artificielle.

Dans le futur technologique de Warren Ellis, Spider Jerusalem utilise une « machine à faire » qui peut à peu près tout créer. Nourriture, Alcool, Arme… à partir de déchets recyclés. Juste un petit problème, sa machine est une droguée. C’est une sorte d’imprimante 3D bourrée aux amphétamines qui, par ennui, décide de n’en faire qu’à sa tête, se rebelle même de l’état de servitude que sa condition lui impose. Si l’intelligence artificielle est construite et modelée par le genre humain, peut on anticiper qu’elle se déploie avec les mêmes travers comme par exemple l’expérimentation de substances ou même la dépendance ? Une grosse partie de la Ville de Ellis est gérée par cette intelligence artificielle, du simple robot ménager au système de vote. Tout est contrôle et je voulais absolument faire une planche sur ce sujet sournois qui est cher aux oeuvres de Ellis.
2. Ce monde du futur.

Bienvenue dans cette vie du futur. Nouvelle drogue. Nouvelle ivresse. Nouvelles perversions sexuelles. Le changement de genre est une relique du passé. Aujourd’hui, tu peux même changer d’espèce si tu le désires. Les gens vivent plus longtemps grâce au progrès de la science. Tu peux tout remplacer quand ça déconne, sauf ton cerveau. Et si ton corps meurt, on t’en donnera un autre. Enfin, si tu décides de mourir, on te coupera la tête pour la congeler en suivant tes instructions de réanimation. Tu obtiendras un nouveau corps et toute ta mémoire. Une nouvelle religion s’éveille toutes les 30min afin de t’expliquer une nouvelle révélation et pourquoi tu dois détester les gens qui ne pensent pas comme toi. Oh, oublie les tatouages et le piercing, la plupart des personnes préfèrent carrément se faire greffer des anatomies supplémentaires. Un sexe en plus par exemple, ça te dit ?
Mais ne t’inquiète pas – Tout n’a pas changé. C’est juste un nouveau décor. La pauvreté et l’absence des parents sont toujours la raison principale pour laquelle les enfants se prostituent. La police est toujours aussi corrompue. L’argent y est toujours Maitre. La violation des droits des minorités et l’antisémitisme sont toujours d’actualité. Enfin les médias continuent d’être le relai de l’hégémonie politique. Et les politiciens s’en donnent à coeur perdu. Oui, Tu devrais te sentir comme à la maison. Bienvenue à Transmetropolitan.
1. Notre Anti Héros – Spider Jérusalem.

Spider Jerusalem n’a pas de cape, mais avec ses tatouages et sa veste noire, son style est aussi iconique que n’importe quel SuperSlip. Ses lunettes font parties de sa panoplie (marketing parfait). Et pour clôturer le tout, son assistante Yelena et sa garde du corps Channon font de ce trio le groupe parfait pour sauver le monde. La relation entre les 3 personnages est très compliquée. Comme l’indique Ellis, Spider ne serait pas capable de fonctionner sans ses deux assistantes. Cette oscillation entre les deux modes de Spider, à la fois héros sans scrupule et citoyen avec un boulot dans une gazette locale fait de lui l’Anti Héros le plus connu de la BD. (Plus que Constantine ?)
De temps à autre, Il lui arrive de devenir Jesus Christ souffrant des péchés de l’humanité et travaillant à notre rédemption. Mais en réalité, il n’est pas fait pour la ville, et sa vocation de journaliste medium et narrateur du déluge l’oblige à prendre ce costume de héros. Certes sans slip, mais il en possède tous les attributs.
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Transmetropolitan Volume 1
Beaucoup aujourd’hui entrevoient l’arrivée d’une société où nos esprits ont besoin de plus d’écran et de moins de culture pour fonctionner (Fahrenheit 451 ?!) Un monde tellement dépendant à la technologie et au divertissement écervelé que l’éducation n’est plus nécessaire et n’a plus d’utilité. Le mérite n’appartient donc plus aux personnes qui sont capables mais plutôt à celles qui sont populaires ! Prenons conscience tous ces avertissements. C’est Brazil, 1984, Black Mirror, une prophétie …
C’est Transmetropolitan. 😉
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Chouette description de cette BD atypique en 10 planches. Merci !
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