Le « destructeur de comics » – Paul Pope en 10 Planches

Voilà comment s’autoproclame Paul Pope : @comicsdestroyer.

Année après année, Paul Pope a réussi à synthétiser les influences d’auteurs comme Moebius, Hugo Pratt, Milton Caniff, Jack Kirby, Alex Toth, ou Frank Miller pour développer son style de dessin et d’écriture si particulier et personnel.

Un rare auteur qui élève la fusion des courants, américains évidemment (puisque de Philadelphie) mais aussi européens et plus surprenant encore japonais. Un illustrateur enfin avec une patte reconnaissable et une zone de confort dans des dystopies impressionnantes. Ses mondes sont magnifiques et terrifiants à la fois, toujours en mouvement comme ses personnages et toujours en quête. Pope remplace le danger par l’excitation et oblige le lecteur à le suivre, au pas de course, et avec son trait proche du dessin instinctif.

Un mélange subtil de travail manga (n’oublions pas son passage chez Kodansha), de délires comics (Batman évidemment mais aussi des couvertures pour les grands superslips de ce monde), et de BD indies à la sonorité européenne. L’artiste devient un touche à tout (mode, pub…) mais c’est dans le dessin qu’il s’illustre le mieux. Et son dessin est tellement magnifique… Sans plus attendre, voici Paul Pope en 10 Planches.

10. Sin Titulo – Paul Pope (1993)

Couverture de Sin Titulo

Ecrit et illustré par Paul Pope à seulement 22 ans, Sin Titulo (« Sans titre » en espagnol) se lit comme une carte aux trésors. De Santa Fe à Guadalajara, avec philosophie, érotisme et satire, ce jeune auteur déroule une intrigue en 3 jours et 2 nuits. Un premier jet pour une première BD. Une trame construite autour d’un « road trip », une quête (thème récurrent chez Pope).

Prenez un homme avec une idée folle. Mettez le sur l’autoroute avec son plus grand amour et son meilleur ennemi. Engagez le tout dans une chasse aux trésors (sans véritablement être sûr que celui ci existe). Et observez la fièvre de la passion faire son effet. Une BD au contour psychologique avec un dessin prémonitoire d’une carrière d’excellence. Cet ouvrage sera difficile à trouver mais si jamais vous tombez dessus, n’hésitez pas.

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Sin titulo de Paul Pope chez Horse Press

9. One Trick Rip-off – Paul Pope (1995)

Arnaque à l'arraché ou The One trick Rip-off

Los Angeles – La tendresse de ses gangs – Une violence couverte qu’à moitié. Premier ouvrage de Pope traduit en langue française, l’auteur nous ouvre les portes de l’apprentissage du génie. A mes yeux, cette BD n’est pas parfaite mais laisse déjà transpirer ce qui va suivre. Un coup de crayon agressif et juste, une histoire haletante qui empêche le lecteur de prendre une pause. Pope définit sa zone de confort. Un mélange de culture indie New yorkaise et d’appropriation manga au service d’un scénario en mouvement.

Tubby and Vim s’aiment et veulent s’évader de ce quotidien leur rappelant toutes leurs erreurs de jeunesse passée à Los Angeles. Pour se faire, le plan est simple, arnaquer la bande de potes de Tubby – le plus violent des gangs de la ville. Si ils réussissent, leur vie n’aura plus de questions. Si ils échouent, la question ne se pose plus.

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Arnaque à l’arraché de Paul Pope

8. Kodansha – L’expérience Manga (1995)

Supertrouble - L'expérience Manga de Paul Pope

En 1995, Paul Pope devient l’un des seuls dessinateurs au pays du burger à travailler pour la plus grande maison d’édition de manga au Japon : Kodansha. Son style d’écriture et son coup de crayon en seront marqués à jamais. Pope n’a jamais caché son appétence pour ce style de BD. Selon lui, la partie émotionnelle du manga surpasse celle que l’on trouve dans le comics traditionnel, même dans la BD européenne classique.

La plupart du travail effectuée pour Kodansha n’a pas été publié. Citons néanmoins quelques collaborations sur des titres comme Supertrouble ou Smoke Navigator – pour un grand total de 250 pages imprimées. S’imposant la rigueur japonaise de 18 pages de dessin par semaine (quand la moyenne du comics américain se situe plutôt autour de 18 pages mensuelles), Pope revient aux Etats Unis avec un autre état d’esprit redoutable et sera transformé cette habitude en machine de travail.

7. THB – Paul Pope (1994)

Adepte de science fiction, je te présente THB ( ou Tri-Hydro Bi-Oxygenate, une molécule inventée par Pope) – Une histoire sur Mars. Grosse influence liée à l’aventure Kodansha, Paul Pope aiguise son crayon et affine son talent d’écriture. Près de 1000 pages d’auto-publication développent l’histoire de l’adolescente H.R Watson et de son fameux garde du corps THB. Paul Pope répond à la question de David Bowie : Y a t’il une vie sur Mars ? A l’image de Bradbury, Mars est peuplée de toutes formes de créatures, plus dangereuses les unes que les autres. Et ceux qui aiment Dune pourront apprécier les clins d’oeil de l’auteur.

THB est un robot grand, gros et violet qui protège HR, ado de 13 ans et fille d’un industriel de la planète Mars. Des intrigues dans tous les sens, beaucoup de personnages – des batailles et des poursuites. Des détails à n’en plus finir. Une BD indépendante à lire ou à relire.

6. Battling Boy – Paul Pope (2013)

Battling Boy

En 3 volumes, cette série était à l’origine orientée vers le jeune public. Cependant, les graphiques sophistiqués réussissent à challenger les codes de la BD jeunesse. Pope atteint une certaine maturité, tant dans la qualité du dessin (plus explosif au fil des pages), que dans le déroulement du scénario qui garde le lecteur en alerte. Une ode à la science fiction des années 80s bourrée d’influences de Kirby à Moebius.

La ville d’Arcopolis est assiégé par des hordes de Gangs et de monstres attaquant les enfants. Le héros local, Haggard West est assassiné et la ville n’a plus de protecteur. Arrive alors Battling Boy, un demi-dieu de 12 ans au dessein déjà tout tracé. Armé de T-shirts magiques, Battling Boy définira son rite de passage et accumulera les rencontres, notamment avec la belle Aurora, fille d’Haggard West. Elle aussi devra découvrir son dessein.

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Battling Boy Tome 0 – Paul Pope

5. Escapo – Paul Pope (1999)

Planche d'Escapo en noir et blanc

Un mélange de Métal Hurlant et de Jack Kirby, Escapo nous raconte l’histoire d’un artiste de la cavale mi-Houdini, mi-Kafka, le dessin est rien moins que magnifique pour cette courte histoire rééditée en couleur en 2014. Pope utilise à merveille ses talents de scénariste pour décrire deux fuites distinctes : l’amour et la mort. Chaque vignette est méthodiquement travaillée et représente une oeuvre en soit. Par la profondeur des scènes, le lecteur se fera embarqué dans cette balade esthétique. En général, lorsque la couleur est ajoutée à une oeuvre que j’ai apprécié en noir et blanc, je palis… Mais pas pour celle ci !

Ecorché vif, Escapo fait un deal avec la mort pour en obtenir du répis et aiguiser son art de l’échapade. Malgré en avoir accepté les conséquences, il rencontre une femme qui l’obligera à prendre des décisions difficiles. Quel en est l’enjeu et de quelle manière cette fuite sera possible.

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Escapo de Paul Pope (en Anglais)

4. PulpHope – The Art of Paul Pope (2007)

Comme dans mes billets précédents, j’essaie toujours de mettre un livre d’Art de l’auteur dans mes 10 planches. Je vous avais proposé Lead poisoning : the pencil art of Geof Darrow ou GRUNT : The Art and Unpublished Comics of James Stokoe. Cette fois ci, ce sera PulpHope que je ne trouve qu’en anglais mais qui est bourré d’illustrations pour les fans de l’auteur. Cet ouvrage cristallise l’essentiel du travail de Pope dans toute sa dimension artistique.  Des lignes vives et éblouissantes qui accentuent la rapidité du style, du noir et blanc se mêlant au travail de la couleur. Tout y est.

La collection ne déçoit pas. Les illustrations sont accompagnés d’essais sur l’oeuvre et son travail. Attention cependant à mettre ce livre dans les mains d’un public averti. Quelques nuances d’érotisme viennent, ci et là, s’immiscer de manière passionnante et passionnée. Un livre à laisser trainer devant quelques invités sélectionnés à la volée.

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PulpHope : The Art of Paul Pope

3. Batman : Année 100 – Paul Pope (2006)

Il fallait oser faire référence au célèbre Batman : Year One de Frank Miller. Une histoire initialement en 4 épisodes (de Février à Mai 2006) réunit dans un seul tome où l’auteur nous donne sa vision et son trait du célèbre personnage de DC Comics. Paul Pope s’occupe du scénario et du dessin, et ce sera le talentueux José Villarrubia pour la couleur. Cette BD raflera au passage 2 Eisner Awards (Meilleure série et Meilleur Artiste). 100 ans après les débuts du premier Chevalier Noir, un nouveau justicier porte sa cape pour faire régner l’ordre à Gotham City…

Année 2039 (100 ans après la première apparition de Batman),  la ville de Gotham est devenue un territoire à la main de milices où les citoyens sont soumis au dictat de la police. Cette célèbre police de Gotham et son capitaine, petit fils du commissaire Gordon, sont à la recherche du légendaire Batman au sujet du meurtre d’un agent fédéral. Un nouveau Batman et un nouveau Robin pour une histoire reprenant les codes habituels mais sous l’angle de Pope. A lire absolument !

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Batman : Année 100 – Tome 0 – Paul Pope

2. 100% – Paul Pope (2003)

Une tranche de vie de 6 personnes, dans un futur (on ne sait quand mais à New York bien sûr). Les relations, les luttes, les peurs, les espoirs et les amours de 6 personnages travaillant ou fréquentant le catshack strip club. Entremêlant le sexe, le MMA et la menace urbaine, Paul Pope nous ouvre la fenêtre sur un future possible, une alternative probante et nous fait réfléchir à la place de l’amour dans cette banalisation de la peur. Le dessin, le scénario, les personnages, l’accroche : tout est là pour un Pope au sommet de son art. Derrière ces 3 histoires d' »amour », l’auteur sature chacune des interactions de détails rarement vu dans ce genre de media. Chaque visage, chaque regard, chaque main présente une intention. Il n’ y a que très peu de place pour le hazard dans cette BD au tempo rapide.

Une histoire d’amour entre une danseuse et un commis à la plonge, entre un manager de club et une combattante, entre l’ami du manager et un musicien. Des petits bouts de vie dans un futur sans fiction mais où la société a remélangé les cartes.

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100% de Paul Pope chez Dargaud

1. Heavy Liquid – Paul Pope (2000)

Classique du Cyberpunk – élu parmi les 100 histoires les plus importantes de la science fiction des années 2000 par le Time Magazine. Celui ci fait parti de ma liste des 10 meilleures BD de tous les temps… Le scénario à lui seul vous fera tourner les pages. Le dessin vous obligera à faire une deuxième lecture. Cette BD est dense, à la fois par son trait rapide mêlant tous les styles de Pope, mais aussi à travers l’histoire s’articulant avec vigueur.

Dans un futur où New York s’est transformé en une métropole dystopique, un homme, qu’on appelera S, se retrouve mêler à une histoire compliquée d’amour et de drogue. Cette drogue particulière est une substance à la fois addictive et artistique, mystérieusement nommé Heavy Liquid. Dans sa recherche de l’artiste suprême capable de travailler sur Heavy Liquid, S se retrouve à lutter contre les pouvoirs psychotropes. Réussira t’il à survive face à ces démons et trouver le mystérieux secret de Heavy Liquid ? Lancez vous sans aucune hésitation.

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Heavy Liquid de Paul Pope chez Dargaud

Conclusion

Paul Pope fait parti de ces américains qu’on aurait adoré voir naitre en France. Non seulement, il réussit avec grâce et habileté à s’accaparer les codes de la BD européenne (Un Jim Morrison de la BD). Mais son travail sur les comics grand public est particulièrement attractif et saisissant. Sa précocité (n’oublions pas qu’il va créer sa maison d’édition à l’age de 20ans, Horse Press) donnera une fraicheur à des ouvrages exigeants et dynamiques. Sans aucun doute, il y a du génie chez Paul Pope, et aussi beaucoup de travail, et surtout beaucoup d’influences et d’hommages. Je vous conseille une visite sur son site internet: http://paulpope.com .

Qu’en pensez vous ? Laissez un commentaire , discutons !

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Peioa

4 commentaires sur “Le « destructeur de comics » – Paul Pope en 10 Planches

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