L’art du détail – Geof Darrow en 10 Planches
Geof Darrow transcende le dessinateur américain classique par l’influence européenne qui émane de ses oeuvres. Evidemment nous pensons à Moebius avec cette célèbre collaboration dans un livre d’illustration appelé La Cité Feu. Ajouté à ça l’influence de films Kung Fu, de monstres, de Western, une dose de sensibilité à la Hergé et peut être que vous pourrez trouver la voie de Geof Darrow. Un artiste essentiel tant son talent est précis et précieux. Le mélange parfait entre tradition et modernité. Une méticulosité qui épuisera votre oeil de passionné. Sans plus attendre, voici Geof Darrow en 10 planches.
10. Bourbon Thret – Comics & Stories (1996)

Pas de répit pour Bourbon Thret ! Qu’il soit en mission pour le Saint Ordre ou qu’il s’oppose au monopole de Coca-Cola, Bourbon fonce dans le tas. Sur la terre, sur mer ou aux confins de la galaxie, Bourbon ne se repose jamais…si ce n’est pour une pizza ou pour le dernier film de Russ Meyer. Ce bizarroïde individu est le héros du premier album de Geof Darrow, qui, au fil de deux histoires à haute densité, distille son inimitable cocktail de minutieuse loufoquerie.
Une oeuvre graphique qui ne s’encombre que de peu de textes. On retrouve évidemment les thèmes chers à l’auteur, le monde animal incorporé dans un univers futuriste. Il y aura aussi les fameux hommages sous forme de clin d’oeil (Tintin, les Schtroumpfs, Astro le petit Robot et tant d’autres…). Un petit joufflu muet à l’allure improbable s’applique à être chasseur de prime et sème la destruction sur son passage. Un personnage attachant et qui donnera à l’auteur toute la latitude d’exploiter son coté maniaco délirant.
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Bourbon Thret de Geof Darrow
9. Lead poisoning : the pencil art of Geof Darrow (2017)

Le talent de Geof Darrow a émerveillé le public depuis des décennies, de ses premières collaborations avec Moebius jusqu’à son travail sur Hard Boiled.
Dans cet ouvrage, Darrow nous livre de l’intérieur la génèse de son génie, au crayon, et cet attachement si significatif pour le détail. Nous pourrons retrouver des couvertures célèbres de l’auteur mais aussi l’idée d’où émane le souci de perfection. Les commentaires de Darrow et de ces pairs accompagnent le dessin pour placer le lecteur au plus proche de la page blanche. La maîtrise des détails nous obligera à prendre notre temps dans la contemplation des illustrations. Chaque interaction sera une nouvelle découverte.
“Geof Darrow est un maître . . . La combinaison de son talent technique et de son génie est une inspiration pour moi et pour les générations d’artistes à travers le monde » — Frank Quitely
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Lead Poisoning : The pencil art of Geof Darrow de Geof Darrow
8. Moebius & Geof Darrow – La cité Feu (1985)

Geof Darrow est un fan de Jack Kirby, de Vaughn Bode, de Jack Davis, de Richard Corben puis il fit la découverte de Jean Giraud, à travers le titre BlueBerry qu’il réussit à se procurer en 1972 (avec un Valerian de Mézières et un Bernard Prince de Hermann…) Pas mal comme découverte ! Dans une interview de G.D Kennedy pour 13thdimension, Darrow raconte cette découverte artistique ainsi que la rencontre avec Moebius en 1982 sur le tournage du film Tron. Au passage, Darrow avouera être plus proche du marteau piqueur que de la poésie dans l’inspiration qu’il a puisé de Moebius.
Néanmoins, de cette interaction émanera une collaboration : La cité Feu aux éditions Aedena. La vision de Darrow et l’art de Moebius ? Le dessin de Geof et l’encre de Jean ? C’est en réalité un mélange de toutes ces choses donnant naissance à un court univers fascinant et déroutant. Les textures de Moebius sont travaillées avec génie. Le dessin de Darrow est à la hauteur de l’exigence que s’impose l’illustrateur. Une magnifique rencontre.
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La Cité Feu – Darrow Moebius
7. Les couvertures : Transmetropolitan (1997)

Transmetropolitan est, pour moi, l’ultime dystopie cyberpunk, tout medium confondu. Plus d’infos dans le billet écrit sur cette BD. Et cette dystopie nécessite un illustrateur avec une pathologie profonde du détail. J’ai adoré transmetropolitan pour l’histoire mais j’ai d’autant plus apprécié ma deuxième lecture quand il m’a fallu lire les petites choses (les annonces de pub, les graffitis, les marques sur les t-shirts) et vous pouvez compter sur Geof Darrow pour s’éclater et vous étonner.
D’une manière générale, Darrow a illustré de nombreuses couvertures de titres plus ou moins célèbres comme Hellboy, Daredevil, Wolverine, Deadpool, new MGMT, Uncanny Avengers, Fantastic Four et J’en passe. Chacune de ces illustrations transpire l’art de Geof Darrow. J’en découvre parfois au fil de mes web-errances. Cependant je reviens toujours sur celle faite pour transmetropolitan qui me semble à la fois tellement abouti mais aussi tellement à propos par rapport au personnage et à l’illustrateur. (Passez un oeil par la fenêtre en haut à droite…)
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Transmetropolitan – Warren Ellis
6. Another Chance to get it Right de Andrew Vachss (1993)

Le livre s’appelle Another Chance To Get It Right et il est difficile à définir. Ce n’est pas un roman, ni un livre pour enfant (même si certains passages sont à destination des enfants) et ce n’est pas entièrement une oeuvre fictive. Même si Darrow n’a pas écrit cet ouvrage mais a participé à l’illustration, celui ci reste inclassable. Serait ce à dire que tout ce que touche Darrow ne peut rentrer dans des cases. C’est donc une sorte d’essai, illuminé de vignettes, sur les enfants, notre espoir de futur, et les horribles choses que nous leur laissons vivre. L’auteur Vachss le sous- titre : « Un livre d’enfant pour adultes ».
Ce livre est bourré de puissantes vignettes avec très peu de mots et pourtant beaucoup d’émotions. Les illustrations sont magnifiques et instructives. Du grand Darrow.
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Another chance to get it right de Andrew Vachss
5. La saga Matrix (en attente du nouveau)

Darrow semble avoir gonflé sa notoriété grâce à sa participation au triptyque Matrix. (Scoop : Il participe au n°4 !). Ses croquis préparatoires ont influencé la quasi-totalité de la trilogie Matrix. Il est, par exemple, à l’origine du design de l’intérieur du Nebuchadnezzar. Là aussi, on peut observer son sens du détail tout en gardant cet esthétique légendaire. D’ailleurs beaucoup de détails émanant de Darrow ne sont pas apparus dans le film néanmoins ils ont permis d’alimenter une pensée rigoureuse et exigeante sur l’instrument du film. L’exemple de la centrale de production d’énergie exploitant les foetus permet de comprendre la folie créative des concepteurs.
Quand Darrow illustre le »Deus Ex Machina » pour Matrix Revolutions, il indique que ce fut le design le plus compliqué qu’il ait eu à faire. Dans son esprit, les attentes du publique pour cette machine s’orientait vers le stéréotype du dieu à la longue barbe blanche alors que lui va s’orienter vers un dieu à l’image d’un bébé humain. L’esprit d’un génie est parfois impénétrable…
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The art of the Matrix de Lamm Spencer
4. Doc Frankenstein – The Messiah of Science (2014) de Lana & Andy Wachowski

Une série écrite par la fratrie Wachowski (créateurs/créatrices de Matrix, dois-je le rappeler !), dessiné par Steve Skroce sur un concept original développé par Geof Darrow. « Quand Doc Savage rencontre Citizen Kane. » Une BD qui raconte la vie du monstre Frankenstein, survivant l’histoire de sa créatrice Mary Shelley. Le roman finit sur la disparition du personnage au Pôle Nord. Les Wachowskis vont lui donner une seconde vie. Pour se réapproprier la nature humaine, Victor (renommé Frankenstein) choisit les Etats Unis comme terre d’apprentissage. Décidé de laisser une nouvelle chance à l’homme, Doc Frankenstein (car Oui ! Frankenstein a obtenu plusieurs doctorats !) est devenu le messie scientifique sensé sauver le monde des monstres qui le gouverne.
Traversant les époques comme enquêteur, vétéran de la 2ème guerre mondiale, chasseur de loup-garous (rien que ça), parmi tant d’autres choses, Frankenstein rentre dans le 21ème siècle avec la réputation d’une créature qui résout les problèmes surnaturels que l’homme ne peut expliquer. Détail non négligeable, Doc Frankenstein est un libéral (Allez le lire, vous comprendrez !)
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Doc Frankenstein de Lana et Andy Wanchowski
3. The Big Guy and Rusty the Boy Robot de Frank Miller & Geof Darrow (2017)

Une nouvelle collaboration Frank Miller / Geof Darrow. Un monstre s’attaque au centre de Tokyo. Quelqu’un pour arrêter le carnage ? Un volontaire pour sauver la ville ? Voici Rusty, un jeune Robot et l’arme secrète du Japon ! S’il ne peut pas sauver le Japon, alors le Japon est perdu.
Une bizarerie de la BD ? Un Comics Kaiju et un tour de force artistique avec toujours ce souci du détail. Chaque page donne naissance à la vie puis la détruit immédiatement. Dans un Tokyo stéréotypé, bourré de référence à la Pop Culture, Darrow nous dessine la bataille de David et Goliath. 60 pages d’un travail minutieux aux résultats impressionnants. La construction de Frank Miller s’articule autour d’une parodie des anciens discours de propagande. Les dialogues sont ficelés avec humour et dérision (surtout l’interaction entre les deux héros robotisés).
J’ai adoré la caractérisation entre l’Est et l’Ouest (le Japon et les Etas Unis) dans tout ce déroulement de bienveillance hypocrite propre aux discours de propagande.
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Big guy & Rusty le garçon robot de Frank Miller & Geof Darrow
2. Shaolin Cowboy de Geof Darrow (2005)

Shaolin Cowboy est une série en 3 volumes écrite et dessinée par Geof Darrow. Peter Doherty puis Dave Stewart se sont occupés de la couleur et de l’implantation du texte. En France, ces 3 volumes sont publiés par l’éditeur Futuropolis.
C’est une BD pleine d’humour, à la fois « droit dans ta face » et subtile. Chaque page est remplie d’insultes, d’absurde, d’ironie… Comme son nom l’indique, c’est une personne de contraste, une dualité moitié soleil levant, moitié soleil couchant. Aussi bon avec un sabre qu’avec un flingue. Un homme dans sa quête de quiétude. Un disciple de Boudha esclave de la consommation. Un homme de paix magnifiant la violence. Cette saga et spécialement les séquences de combat sont folles. L’histoire est presque une excuse pour l’expression artistique de la violence. Là encore l’attention au détail est toujours au plus haut point, dans un univers fantastique à la créativité délirante. Encore aujourd’hui, des illustrations parmi les plus belles du 9ème art.
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The Shaolin Cowboy – Tome 1 – Start trek de Geof Darrow
1. Hard Boiled de Frank Miller & Geof Darrow (2013)

Hard Boiled représente les début de Darrow sur le marché américain. 4 ans après la sortie de ‘the Dark Knight returns’ de Miller et de ‘Watchmen’ d’Alan Moore. Tous deux dans ma liste des meilleures comics. Si vous aimez le genre action aventure avec une touche de maturité, de violence et d’humour, vous allez adorer Hard Boiled.
L’image d’un futur dans lequel la dominance industrielle et commerciale génère ce monde à la fois excessif et dépravé représente la trame de cette BD. Une entreprise, Willeford Home Appliances, décide d’éliminer la concurrence en engageant un groupe paramilitaire. AI prenant la forme d’humains, des robots se retrouvent coincés, sans le savoir, entre leur vie de mari et de père de famille et la violence de leur dessein. Nixon sera au coeur de cette violence, sans retenu et sans compromis. Un scénario détonant accompagné d’un dessin aux multiples lectures, Geof Darrow est au sommet de son art.
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Hard Boiled de Frank Miller & Geof Darrow
En conclusion
La décadence du détail. Ce genre de rencontre artistique qui vous scotche et change à jamais vos attentes en ouvrant une BD. Au coeur de son art, Darrow explore les contrastes : petit contre grand, un contre tous, vitesse contre lenteur. Une dynamique très particulière. Bourré d’action dans chacune des vignettes, l’histoire a toujours vocation à être rapide et fluide.
La brutalité est parfois difficile à comprendre mais accompagne toujours l’histoire et dénonce les excès de notre culture pop, avec toujours ces références montrant l’approche du placement : the Flinstones, Astro Boy, Nancy, Porky Pig, Batman, Tweety Bird, Homer Simpson, Ed the Clown, Duran Duran, Hanna Barbera, Popeye, Tintin, Psycho and Bambi. L’autocollant de pare-chocs des Ramones, des noms de voitures décalés, des signes d’autoroutes réinventés, le diable est dans le détail. C’est d’ailleurs ce qui rend la lecture de cet illustrateur si interessante. N’oubliez pas de regarder les logos, la pub, les t-shirts, les signes de l’essence du travail de ce génie contemporain. Chaque case est un chef-d’oeuvre de construction.
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Merci pour cet article où j’ai redécouvert sous un angle nouveau cet artiste incroyable.